Je lisais à propos des manifestations anti-masques qui ont eu lieu au Québec en fin de semaine. Le niveau de déconnexion avec la réalité scientifique est juste ahurissant. Ça laisse beaucoup d’entre nous (la plupart, j’espère) frustrés, perplexes et inquiets. Donc je me suis dit que c’était un bon moment pour se recentrer sur : pourquoi on fait tout ça ?
Premièrement, il y a les décès. Les estimés préliminaires sont de 650,000 dans le monde jusqu’à maintenant, dont 200,000 en Europe et 8800 au Canada. Tout ça en 5 à 6 mois. Mais les décès ne racontent pas toute l’histoire.
Ensuite il y a les hospitalisations, les personnes qui se retrouvent aux soins intensifs, ou sur un respirateur. Tout ça met un stress énorme sur le système de santé. Sans compter que le personnel doit appliquer des précautions jamais vues pour se protéger et pour protéger les autres, sans quoi il deviendrait le véhicule parfait pour le virus. Tout ça, c’est extrêmement exigeant et épuisant.
On en parle peu, mais il y a toutes les complications pendant et après l’infection. Par exemple, la formation de caillots sanguins et les problèmes neurologiques. On en découvrira probablement d’autres. Ça n’a rien d’étonnant, car on sait que les virus ont tendance à faire des choses bizarres. La différence ici est qu’on connaît peu les coronavirus, donc il y a beaucoup d’incertitude et de surprises. Certaines personnes auront des conséquences à long-terme de leur infection.
Et finalement il y a l’immunité. On espérait qu’elle se développerait collectivement avec le temps, mais on n’est pas trop certains si c’est le cas. Est-ce qu’on est immunisé après avoir eu l’infection ? Peut-être, mais pendant combien de temps ? C’est moins simple que ce à quoi on s’attendait.
Au Canada, au Québec et dans plusieurs pays d’Europe, on a mieux géré la pandémie qu’ailleurs. Un plan efficace a été déployé, on a aplati la courbe rapidement, et les mesures sont largement respectées par le public. Donc heureusement, on a évité les pires scénarios.
Mais en même temps, on est victimes de notre succès. Plus la pandémie est sous contrôle, plus certain.es doutent de la nécessité des mesures en place. En voit exactement la même chose avec les vaccins (voir « Le grand paradoxe de la vaccination »).
Aussi, on sent que la fatigue s’installe. On est tous à bout d’être isolés, de voir nos habitudes de vie bouleversées, de devoir gérer crise par-dessus crise, d’entendre parler de la pandémie à tous les jours. Notre patience est plus limitée que jamais et on s’irrite mutuellement plus que d’habitude. C’est dans ces temps-là qu’on est le plus à risque de douter des mesures en place, de se demander pourquoi on fait tout ça …
Dans la manifestation anti-masques, un argument fréquent semble être : « Moi j’ai pas mis de masque et je me suis pas distancié, pis je suis ben correct, parce que mon système immunitaire est fort ». C’est quand même fascinant, parce que tous ces gens s’en sortent bien en grande partie parce que le reste de la population est conscient de la sévérité de la pandémie et applique les mesures.
Un autre argument populaire s’appuie sur les « droits et libertés » de porter le masque ou non. C’est intéressant, parce ceux et celles qui disent ça bénéficient de tous les avantages de vivre en société, de tous les services publics, et seront soignés s’ils sont malades. En contrepartie, pour avoir tous ces avantages, les citoyens s’engagent normalement à agir de manière responsable, et à appliquer des demandes minimales de la santé publique. Bref, si les manifestants anti-masques vivaient dans le désert en autonomie complète, on pourrait prendre le temps d’écouter leurs revendications de droits et libertés…
Et ce qui n’aide vraiment pas, c’est que le public a été pris en otage par une tonne de faux experts, de lobbys idéologiques et politiques, par la multiplication des fausses informations sur les réseaux sociaux, et par une industrie anti-science qui s’attend à faire beaucoup d’argent sur le dos de la pandémie.
Pour la suite des choses, je nous souhaite de rester confiants et de continuer à voir clair à travers toute la confusion.
P.S. J’en ai profité pour faire une mise à jour de ma BD sur les masques avec les plus récentes données et recommandations. Parce que c’est pas mal clair maintenant que les masques sont une excellente mesure. Et j’ai ajouté une courte section sur les arguments anti-masques.
P.P.S. Comme pour tous mes articles sur la COVID-19, je ne vise pas à répondre à toutes les questions imaginables, mais simplement à couvrir des aspects qui m’apparaissent en manque de vulgarisation. Pour des questions plus spécifiques, voir le Guide d’autosoins du gouvernement du Québec, ainsi que les nombreux (excellents) articles écrits par des journalistes avec citations de spécialistes en microbiologie et infectiologie. Aussi, la section commentaires ci-dessous est fermée, car toute discussion serait désuète en quelques jours. Tu peux par contre soumettre ici toute demande de correction/précision. Je sais que tout le monde est à fleur de peau présentement, mais il suffit de me le demander gentiment, du genre : « Hey Olivier, j’ai remarqué que X pourrait être précisé/corrigé, je te suggère Y, bonne journée ! ». D’ailleurs, un IMMENSEMERCI à tous ceux et celles qui m’envoient des messages et améliorent ainsi grandement le contenu !
