Le Pharmachien a 10 ans d’existence ! Je me sens tellement privilégié d’être encore là, surtout pour un projet que j’ai démarré sur un coup de tête, comme passe-temps, en me demandant si c’était possible d’aborder des mythes en santé chez plus qu’une personne à la fois à la pharmacie.
Le 29 septembre 2012, je faisais ma toute première publication, un vidéo intitulé « Recettes pour faire votre propre homéopathie à la maison ». On m’en parle encore souvent d’ailleurs ! Faire des vidéos était complexe à l’époque; je m’étais acheté une caméra mini-DV et un logiciel de montage, qui sont tellement dépassés technologiquement aujourd’hui qu’ils me rappellent un Walkman Sony jaune et Windows 95, respectivement.
Donc j’ai appris à (mal) dessiner pour me tourner plutôt vers la bande dessinée. L’évolution de mon personnage ci-dessous est le témoin de ces années à tenter de rendre ça le moins laid possible.
Mon tout premier contenu dessiné s’appelait : « Réponse à l’éternelle question : Ai-je le rhume ou la grippe ? », et incluait une blague étrange avec un canard.
On me pose souvent la question : « Qu’est-ce qui a le plus changé entre le moment où tu as commencé à faire de la communication scientifique et aujourd’hui ? ». J’y ai donné différentes réponses au fil des années (dont le fait qu’avoir un blogue en 2012 était considéré très cool et « edgy », alors que maintenant… pas tant !).
En ce moment je répondrais ceci : on est dans une société incroyablement plus polarisée.
En 2012, les réseaux sociaux étaient encore assez nouveaux (à titre d’exemple, Facebook est devenu « big » en 2008-2009). Le contenu y était léger et les discussions généralement agréables. On observait déjà quelques signes de problèmes à venir (par exemple, ce qu’on appelait dans le temps les « trolls »), mais avant tout, ça semblait le moyen rêvé pour rejoindre le public rapidement et différemment. Et il était encore très rare à l’époque que des professionnel.les de la santé et des scientifiques s’y impliquent activement.
Fast forward en 2022, le contexte est très différent. On a tous vu les dommages causés par la désinformation, l’exploitation des algorithmes à des fins politiques ou idéologiques, les discours haineux, et juste la grogne générale, qui donne l’impression que tout le monde en ligne est à fleur de peau / en tabarn@&.
À cause de ça, on ne peut plus communiquer en 2022 comme on le faisait en 2012, ça c’est évident. Mais c’est plus que ça en fait : chaque année, on ne peut plus communiquer comme on le faisait l’année précédente.
Un exemple : en 2012, quand j’ai commencé le blogue, c’était vraiment utile et efficace d’être aussi punché et déstabilisant que possible. J’ai intégré l’humour qui me rejoignait, comme celui des Simpsons et de South Park. Quand je lis certains de mes contenus de l’époque, je me trouve baveux en maudit ! Mais c’était approprié dans le contexte. Mon objectif était d’aller chercher des gens qui ne seraient normalement pas intéressés par du contenu sur la santé, et ça marchait extrêmement bien.
Puis dans les années qui ont suivi, la science est (malheureusement) devenue un sujet délicat et divisif. De mon côté, je me souviens que ça m’a frappé à la fin 2016 / début 2017. Bref, ces temps-ci, il faut mettre plus de gants blancs, adopter une approche plus rassembleuse. « Puncher » est encore une bonne idée, mais il faut s’y prendre différemment, et je vous avoue que ça a un peu baissé dans ma liste de priorités.
(Ici certain.es pourraient répliquer par : « On ne peut plus rien dire !!! », mais je ne suis pas d’accord : on peut tout dire, mais s’entêter à toujours vouloir le dire de la même façon est, à mon avis, un peu contre-productif ¯\_(ツ)_/¯ )
C’est pas super connu, mais il se fait constamment des recherches sur ce qui fonctionne ou pas en matière de communication. Par exemple, qu’est-ce qui fait qu’une personne croit à telle chose sur Internet, mais pas à une autre ? Pourquoi résiste-elle à changer de perception ou de comportement même quand elle lit du contenu rigoureux ? Personnellement, j’ai développé une passion (voire une obsession !) pour ce domaine, et j’ai tenté de de m’ajuster au fil des années en fonction des découvertes. Je suis persuadé qu’il faut voir tout ce qui se passe en ce moment comme une opportunité, plutôt que seulement comme une menace.
Une bonne nouvelle d’ailleurs : il y a maintenant plein de vulgarisateurs.trices sur le web et dans les médias, avec chacun.e leur créneau et leur style. C’est vraiment inspirant et rassurant pour moi de voir ça !
Certaines expériences moins agréables m’ont un peu chamboulé par moments, je l’avoue. Parler de pseudosciences et de pensée critique dans la sphère publique donne parfois l’impression de pratiquer un sport extrême (genre… sauter en bungee sans élastique… avec une grenade dégoupillée dans les mains… pendant que tu es feu). J’apprends à mieux choisir mes combats maintenant. J’essaie de travailler sur des projets de plus longue haleine plutôt que d’être dans des batailles incessantes, qui ne sont pas toujours de l’énergie bien investie. Et j’expérimente sur plusieurs plateformes, qui rejoignent des publics différents. Mais ce que j’en retiens surtout, c’est que malgré les quelques tempêtes, faire de la vulgarisation est ma passion, et j’ai l’intention de continuer aussi longtemps qu’on me donnera la chance de le faire.
Je ne pourrais pas terminer sans dire un GIGANTESQUE MERCI SPÉCIAL à tous ceux et celles qui m’appuient depuis les débuts du Pharmachien ! Ça m’épate toujours quand des gens me disent que leur BD préférée en est une de 2013, m’imitent l’intro des Aventures du Pharmachien saison 1, ou me montrent une copie toute usée de mon premier livre avec une dédicace bizarre que j’avais faite dans le temps. Je vous suis infiniment reconnaissant et j’espère pouvoir continuer à vous remercier au moins jusqu’au 29 septembre 2032 !
Sur les réseau sociaux, en 10ans-15ans, je trouve que l’anonymat a pas mal souffert.
Au début il était facile de faire son blog pépère et on se fichait de savoir si ton boss le lirait ou pas.
Aujourd’hui l’anonymat est difficile: la plupart des sites demandent de connaitre ton identité réelle et pour les autres il reste le doxing. On doit donc être plus prudent dans ses paroles.