Le 6 avril 2020, la santé publique du Canada, puis celle du Québec, ont ajouté – un peu maladroitement – le port du masque maison aux mesures pour lutter contre la pandémie.
Je dis « maladroitement » parce que ça manquait un peu de conviction…
Puis trois mois plus tard, le 18 juillet 2020, le Québec a choisi d’exiger le port du masque pour tous dans les lieux publics.
Pour certain/es, cette recommandation arrive trop tard; j’y reviendrai plus tard dans cet article. Mais pour le moment, faisons le tour de la question des masques.
Premièrement, pourquoi porter un masque ?
La COVID-19 est une infection respiratoire, donc elle est transmise par des gouttelettes de liquide qui proviennent de nos voies respiratoires.
Les grosses gouttelettes contiennent plus de particules virales, donc si elles arrivent dans ta face et/ou qu’elles se déposent sur des surfaces où tu vas mettre tes mains, c’est là que tu risques l’infection.
Les micro-gouttelettes (aérosols) contiennent moins de virus, mais elles peuvent aussi pénétrer dans nos voies respiratoires. On pense que la COVID-19 pourrait aussi être transmise de cette façon, mais le risque est beaucoup plus faible.
Bref, tout ça pour dire que l’ensemble des gouttelettes sont un problème.
Aussi, il faut savoir que l’infection peut être transmise même si on n’est pas malade. On le suspectait depuis un bout de temps, mais c’est devenu de plus en plus clair.
Pour empêcher les gouttelettes de se promener d’une personne à l’autre, on peut porter un masque. Il y en a différents types :
Le masque N95 est différent de tous les autres, car il bloque même les plus petites particules (son efficacité pour les micro-particules est d’environ 95%, d’où son nom). Mais surtout, il est conçu pour fitter tellement bien sur le visage que presque rien ne s’en échappe… MAIS il doit être sélectionné selon la forme du visage, et surtout ajusté et testé par quelqu’un qui a la formation nécessaire (« fit test« ), sinon il n’est pas plus efficace que les autres masques.
Les N95 servent donc à SE protéger, et à protéger LES AUTRES.
Les masques chirurgicaux et de procédure bloquent une partie des particules, surtout les grosses. Eux aussi sont faits d’un matériau spécial, qui résiste un peu à l’humidité. Et leur « fit » n’est pas très bon, donc les petites particules vont s’échapper sur les côtés. Bref, ils protègent un peu la personne qui le porte, mais servent surtout à protéger LES AUTRES. On les utilise dans le système de santé parce qu’ils ne coûtent pas cher.
C’est sûr que dans un monde idéal, on porterait tous des N95 pendant des années jusqu’à l’invention d’un vaccin…
Mais la réalité est que ces deux types de masques existent en quantité limitée, donc on doit ABSOLUMENT les réserver pour les travailleurs de la santé, pour deux raisons bien simples :
- Ce sont eux qui soignent les malades, donc ils/elles doivent rester en forme.
- S’ils sont infectés, ils vont transmettre, en travaillant, le virus à des tonnes de personnes fragiles.
Parlons des masques maison…
Un masque maison, en fait, c’est n’importe quoi qui se trouve entre tes voies respiratoires et le reste du monde.
Un masque maison typique sera probablement fait d’un tissu absorbant (ex. coton), donc qui retient l’humidité (et le virus). Le tissu ne bloque pas non plus les plus petites gouttelettes qui viennent vers toi. Et son fit peut aller de « pas pire » à « pathétique ».
Par contre, les plus grosses gouttelettes qui sortent de TA bouche et de TON nez seront retenues à l’intérieur. C’est déjà ça.
Donc le but ici n’est PAS de te protéger.
C’est de protéger LES AUTRES.
Hum…… on va dire que non.
Heille arrête ça.
Arrggg. Ok oui, le masque maison te protège un peu. Mais l’idéal, c’est de faire comme s’il TE protégeait à 0%.
Parce que sinon, ça donne ça :
Est-ce qu’on a des données super convaincantes sur l’efficacité des masques maison ?
Au début de la pandémie, la réponse était non. Donc les doutes sur leur utilisation étaient légitimes.
Faut dire que la prudence était la bienvenue, car on voyait sur le web une surestimation de l’effet des masques…
Mais depuis, les données se sont accumulées et il y a désormais des preuves assez convaincantes que les masques en tissu sont efficaces pour réduire la transmission du virus dans la communauté, s’ils sont bien utilisés et perçus de manière réaliste. Comme ça :
C’est sûr que si tu es chez toi, dans ta voiture, seul/e dans la rue, porter un masque maison n’a aucune pertinence.
Le masque devient pertinent quand tu es OBLIGÉ/E d’être près d’autres personnes, par exemple dans les lieux publics et dans les transports en commun.
Intéressant pour les AUTRES, on s’entend.
Les arguments « pro- » et « pas-full-pro- » masques
Il y a un biais cognitif qui s’appelle le « biais rétrospectif » (hindsight bias). Le principe, c’est que pour le cerveau humain, tout semble évident après coup.
On le voit présentement à plein de niveaux :
Tout ça est peut-être vrai, mais c’est facile à dire aujourd’hui.
Le risque de céder au biais rétrospectif, c’est que plein de choses nous paraîtront évidentes plus tard, même si elles avaient été suggérées au hasard. Par exemple, quels médicaments seront éventuellement démontrés efficaces contre la COVID-19.
Les connaissances et les recommandations sur la pandémie changent rapidement. Il y a forcément des choix qu’on va remettre en doute plus tard.
Attention, ceci n’est pas un statement politique de ma part, et surtout pas une excuse pour de mauvaises décisions. C’est tout à fait correct (et même essentiel) de critiquer le gouvernement si on juge qu’il ne s’est pas basé sur les meilleures données disponibles en matière de santé publique (au Québec, on semble avoir fait de bons choix jusqu’à présent).
Mais j’ai vu passer des textes d’opinion incroyablement arrogants (un exemple ici) au sujet des masques maison. Selon des chroniqueurs, cette solution était évidente depuis longtemps, et le Canada a suggéré cette mesure beaucoup trop tard.
Pourtant, quand on se compare, l’adoption des masques maison a été faite plutôt tardivement dans la plupart des pays. D’autres (comme la République Tchèque avec leur campagne #masks4all) l’ont adopté rapidement grâce à un engouement populaire.
Voici un autre raisonnement louche qu’on a vu passer :
Malheureusement non, ce n’est pas une preuve.
C’est ce qu’on appelle confondre corrélation et causalité : il n’y a peut-être aucun lien entre les masques et le taux d’infection… ou encore, peut-être que ça a contribué un peu, mais que c’est juste un des nombreux facteurs en cause. On l’ignore.
PAR CONTRE
Là où une critique est justifiée, à mon avis, c’est dans la façon que les masques maison ont été introduits au public. Les arguments étaient assez… pauvres, disons.
Plusieurs personnes ont trouvé cette approche infantilisante. C’est vrai que ça l’était un peu…
D’ailleurs, par rapport au « risque de se toucher plus le visage si on porte un masque en tissu », on peut tout à fait proposer l’argument contraire : que porter un masque est un excellent rappel de ne PAS se toucher le visage.
Mais on pourrait aussi proposer l’argument que si on avait recommandé les masques maison dès le départ, et que la distanciation physique/sociale n’avait pas « pogné » chez le public, on aurait regretté cette recommandation.
Tout ça pour dire que c’est facile de faire nos gérants d’estrade et nos « reverse Nostradamus », alors que la santé publique doit dealer avec l’imprévisibilité et l’irrationalité des êtres humains.
Au final, je pense que si on veut relaxer les mesures de confinement, et donc qu’on se retrouvera plus souvent en proximité qu’on le veuille ou non, ajouter l’option du masque en tissu a beaucoup de sens, tout en gardant en tête que ce n’est pas une protection parfaite.
Les arguments carrément « anti-masques »
J’ai entendu deux principaux arguments anti-masques. Le premier est que le masque en tissu n’est pas efficace pour prévenir la transmission du virus, et donc qu’il ne sert à rien. Mais tel que mentionné plus haut, ce n’est plus raisonnable de tenir un discours aussi extrême. Le masque n’est ni parfait, ni miraculeux, mais comme mesure de santé publique instaurée en situation d’urgence, et vu qu’il n’y a pas des tonnes d’alternatives à part la distanciation sociale, la plupart des experts s’entendent que le port du masque a du sens.
L’autre argument est que porter un masque réduit la quantité d’oxygène qu’on inspire, ce qui pourrait être dangereux pour certaines personnes, ou même pour tout le monde.
Pourtant, l’air passe sans aucun problème à travers un masque standard. Un médecin a même fait le test de porter 6 masques un par-dessus l’autre, sans aucun effet sur son oxygène sanguin. Faut dire que les travailleurs de la santé portent des masques plusieurs heures par jour, donc ils seraient les premiers affectés si cet argument était vrai.
Aussi, c’est quand même surprenant de voir que certaines personnes qui affirment que le masque ne bloque pas efficacement le virus, croient aussi que le masque bloque l’oxygène… Il n’y a aucune logique là-dedans.
Porter un masque, c’est désagréable, on s’entend. C’est encore pire quand il fait chaud. Et une personne qui ferait une activité très intense avec un masque (ex. courir) risque de trouver que respirer normalement est plus laborieux. Mais pas au point de « manquer d’oxygène ».
(oh et il y a aussi des gens qui croient que le masque obligatoire est une stratégie de contrôle social massif par le gouvernement… à ce sujet, voir ici)
CONSEILS SI TU VEUX PORTER UN MASQUE
- Le CDC aux États-Unis propose deux méthodes pour confectionner un masque maison, une avec un t-shirt, l’autre avec un bandana et un filtre à café (VERSION TRADUITE EN FRANÇAIS ICI). L’AFNOR en France a aussi proposé son modèle, avec deux épaisseurs de coton, dont elle dit avoir testé l’efficacité. Il y a aussi des masques en tissu à vendre un peu partout, certains bien faits, certains vraiment pas.
- Le masque doit fitter le mieux possible sur ton visage. Autrement dit, il ne doit pas être « slack » sur le dessus, les côtés ou au menton. Sinon, ça ne sert à rien.
- Lave-toi les mains avant de mettre ou d’enlever ton masque.
- Toujours porter le masque dans la même orientation (i.e. le « dedans » et le « dehors » toujours du même côté).
- Porter le masque seulement quand c’est nécessaire et cesser de le porter quand il est humide (comme mentionné dans l’article, un usage trop intensif pourrait peut-être augmenter le risque d’être infecté).
- Enlever le masque pendant les repas (i.e. ne pas juste le mettre sur son menton)
- Laver le masque, avec l’eau la plus chaude possible, à chaque jour qu’il a été porté. Ça peut donc être utile d’en avoir au moins deux (2) pour faire une rotation.
- Ne pas mettre de masques à des bébés et enfants en bas de deux ans.
- Certains experts ont des conseils plus précis (ex. utiliser tel tissu de telle épaisseur, laver le masque à telle fréquence et à telle température, etc.). C’est bien que des gens réfléchissent à ça, et ça va probablement évoluer au cours des prochaines semaines.
- … cette liste n’est pas exhaustive, il y a probablement d’autres excellents conseils ! Mais ça couvre les principaux.
Et surtout, ne pas relâcher la distanciation physique/sociale, et le bon lavage des mains. Masque ou pas !
P.S. Comme pour tous mes articles sur la COVID-19, je ne vise pas à répondre à toutes les questions imaginables, mais simplement à couvrir des aspects qui m’apparaissent en manque de vulgarisation. Pour des questions plus spécifiques, voir le Guide d’autosoins du gouvernement du Québec, ainsi que les nombreux (excellents) articles écrits par des journalistes avec citations de spécialistes en microbiologie et infectiologie. Aussi, la section commentaires ci-dessous est fermée, car toute discussion serait désuète en quelques jours. Tu peux par contre soumettre ici toute demande de correction/précision. Je sais que tout le monde est à fleur de peau présentement, mais il suffit de me le demander gentiment, du genre : « Hey Olivier, j’ai remarqué que X pourrait être précisé/corrigé, je te suggère Y, bonne journée ! ». D’ailleurs, un IMMENSE MERCI à tous ceux et celles qui m’envoient des messages et améliorent ainsi grandement le contenu !