Alcool : nouvelles recommandations canadiennes (2023)

Les nouvelles recommandations canadiennes sur la consommation d’alcool ont fait beaucoup jaser récemment… et carrément capoter certain.es chroniqueurs et chroniqueuses. L’un d’eux résumait le tout par un « bannissement » de l’alcool (non) par les « nouveaux curés hygiénistes » (hum… ok). Une autre se demandait si on allait retirer, dans un film, le verre de vin à un homme qui s’apprête à mourir d’un cancer (pense pas, non).
 
J’ai aussi vu des personnes se promener dans les médias et dire qu’il ne faudrait pas négliger « les bienfaits de l’alcool sur la santé cardiaque ». J’y reviens plus loin.
 
Ce qui a le plus circulé comme information, c’est : « 2 consommations maximum par semaine, idéalement aucune ». Mais en fait, le rapport ne dit jamais ça de cette façon. Il parle plutôt de « [risque] faible pour ceux qui consomment 2 verres standards ou moins par semaine », et dit qu’il « est recommandé aux personnes du Canada d’envisager de réduire leur consommation d’alcool ».
 
Aussi, il faut savoir que le rapport complet a 89 pages, et décrit un travail scientifique super détaillé et rigoureux, très nuancé, qui se compare aussi à d’autres analyses similaires faites ailleurs dans le monde (dont en Australie). Donc je me suis sacrifié et j’ai lu les parties « plates » pour vous.
 
Les dernières recommandations dataient de 2011. Et depuis ce temps-là, on a acquis beaucoup de nouvelles connaissances scientifiques sur l’alcool et ses effets sur le corps humain. En 2018, j’avais fait un épisode des Aventures du Pharmachien sur le sujet, et déjà il était évident que les recommandations devraient être ajustées tôt ou tard, pour s’aligner avec la science.
 
La réalité confrontante mais incontournable, c’est que l’alcool est une substance qui nuit à la santé. Et vu qu’on en consomme régulièrement, en bonne quantité, on ne peut plus ignorer ces informations. Le graphique ci-dessous est tiré du rapport et, à mon avis, illustre bien ce qui se passe; je l’ai annoté pour en faciliter la lecture.
 
Un autre constat est clair : parler de « bienfaits de l’alcool pour la santé cardiaque » ne tient plus la route. C’est quelque chose qu’on pouvait dire par le passé, à partir des données de l’époque, mais en 2023, quand on regarde l’ensemble de la littérature scientifique, cette zone où on aurait seulement des bienfaits ne semble pas exister, à toutes fins pratiques. Le mieux qu’on puisse espérer, c’est d’avoir peu ou pas d’effets négatifs de l’alcool sur notre santé. Et pour ça, on parle d’environ 2 consommations par semaine… ce qui est exactement la nouvelle recommandation. Aussi, boire de l’alcool pour réduire son risque cardiovasculaire n’a pas vraiment de sens, comparativement à l’importance des autres habitudes de vie comme l’alimentation et l’activité physique.
 
 
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Et maintenant, voici mon propre commentaire éditorial (je promets de ne pas parler de curés) :
 
Depuis quelques années, la population exige de plus en plus de transparence de la part des scientifiques. Quand on apprend que les risques associés à tel additif alimentaire, à tel médicament, ou à telle substance libérée dans l’environnement par une usine, n’ont pas été pleinement divulgués, on se met en colère, avec raison. Et ça nous scandalise de penser qu’à une certaine époque, les fabricants de cigarettes investissaient des tonnes d’argent pour que le public reste dans l’ignorance face aux dangers du tabagisme.
 
Ce qui se passe avec l’alcool en ce moment n’est pas très différent : la communauté scientifique se doit d’être transparente par rapport aux données, même si c’est confrontant à entendre pour le public.
 
Mais après ça, devinez quoi… CHAQUE PERSONNE EST LIBRE DE PRENDRE SES PROPRES DÉCISIONS !!! Au même titre que plein de gens fument encore, même si on sait que c’est une des pires choses qu’on peut faire pour sa santé. D’ailleurs, personne ne nie que l’alcool, comme le tabac, est associé à de la détente et à du plaisir social; c’est même mentionné dans le rapport.
 
Le point est juste de dire : comme plein de choses plaisantes dans la vie, il peut aussi y avoir des conséquences moins le fun, et voici ce que dit la science à ce sujet, pour que vous puissiez vous forger une opinion éclairée. C’est tout !
 
Et d’ailleurs, pour conclure, le rapport contient plein de bonnes nouvelles. Par exemple, que « toute réduction dans la consommation d’alcool est bénéfique ». Et aussi, que la plupart des dommages causés par l’alcool sont « réversibles ». Le rapport note que c’est « particulièrement encourageant » pour les personnes qui ne se sentent pas capables, ou n’auraient pas envie, de réduire leur consommation aux niveaux recommandés.
 
Bref, il n’est jamais trop tard pour réévaluer sa consommation et s’ajuster un peu… pour ceux et celles qui en ont envie ! Car je ne pense pas que quiconque viendra vous arracher votre verre de vin des mains, qu’on va commencer à faire semblant que l’alcool n’existe pas à la télé, ou que la prohibition nous guette.
 
 
 
 
P.S. J’ai enlevé les chiffres du tableau, car de la manière qu’ils sont présentés, ils sont difficiles à interpréter et peuvent induire en erreur. Vous pouvez les voir dans le rapport aux pages 29 et 30. À mon avis, la couleur suffit pour bien comprendre !
 
*** MISE À JOUR 28 FÉVRIER 2023 ***
Je vous encourage fortement à aller lire cette entrevue avec Catherine Paradis, l’une des autrices principales de ces nouvelles recommandations sur l’alcool. Elle répond super bien aux différents arguments et critiques et lien avec leur analyse.
 
Je vous encourage aussi à écouter ce documentaire pour mieux comprendre l’industrie de l’alcool au Québec :
 
 
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