Mélatonine chez les enfants : quelques précautions à prendre

 

 

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Près de 1 enfant sur 5 (19%) reçoit un supplément de mélatonine pour l’aider à dormir, selon une récente étude américaine (JAMA Pediatrics, nov. 2023). Avant, en 2017-2018, c’était seulement 1.3% des enfants. Je n’ai pas trouvé de données au Canada, mais la tendance a été observée subjectivement ici aussi. Autre fait qui soulève des questions : les enfants en prenaient sur une base régulière pendant de longues périodes, plus d’un an dans certains cas.

En résumé, la mélatonine est une hormone secrétée par le cerveau et impliquée dans le sommeil. Mais depuis plusieurs années, elle est aussi disponible sous forme de supplément (en capsules, en jujubes ou en gouttes). Beaucoup de gens en prennent, croyant qu’il s’agit d’un somnifère… mais ce n’est pas vraiment le cas! Son utilité principale est pour les personnes qui ont des enjeux de CYCLES ou de RÉGULARITÉ du sommeil. Par exemple, une personne en décalage horaire durant un voyage, qui doit dormir alors qu’il fait clair dehors. Ou encore, une personne qui alterne entre des chiffres de travail de jour et de nuit. On pense que la mélatonine peut déclencher un certain « réflexe » d’aller dormir, sans nécessairement « endormir ». Il y a aussi quelques données préliminaires chez les enfants autistes (et un peu aussi dans le TDAH, mais c’est très limité).

Mais en tant que somnifère, on a peu de données, et elles ne sont pas très convaincantes.

Confus? C’est normal, car les compagnies qui commercialisent la mélatonine passent peu de temps à apporter ces précisions. Et donc, beaucoup de gens en prennent sans trop savoir comment ça fonctionne, quelle dose choisir (1, 3, 5 ou 10 mg?), pendant combien de temps la poursuivre, etc.

Ce qui me ramène aux enfants. Leur cerveau est en plein développement, et donc en pharmacie et en médecine, on est extrêmement prudents sur tout ce qu’on leur administre. En général, la mélatonine semble bien tolérée et sécuritaire. Mais par contre, les effets d’en donner pendant de longues périodes, à long-terme, n’ont pas été étudiés en profondeur. Qu’est-ce que ça pourrait faire? Difficile à dire.

Un autre élément qui ressort dans l’étude de 2023, et dans plusieurs autres analyses des dernières années, est à quel point la qualité des produits naturels est variable. Par exemple, dans certains suppléments sur le marché, la quantité réelle de mélatonine était 3 à 5 fois plus élevée qu’indiqué sur l’emballage. Sans compter la présence de certains contaminants. Et on ignore quelles marques sont plus « fiables » que d’autres.

Le fait que la mélatonine soit perçue comme « naturelle » peut sembler rassurant, mais en réalité, il n’y a rien de naturel à supplémenter une hormone déjà présente dans le cerveau. D’ailleurs, les suppléments fournissent une dose beaucoup plus élevée que ce que le cerveau sécrète normalement, et certaisn cas de surdose non-intentionnelle ont été rapportés.

Malgré tout ce que je viens de dire, je comprends complètement les parents de vouloir essayer des choses! Par contre, avant de penser à donner ou prendre de la mélatonine, il y a souvent des ajustements qui peuvent d’abord être faits au niveau de l’hygiène du sommeil. Dans plusieurs pays, la mélatonine est sur ordonnance seulement (i.e. ça prend une prescription, elle n’est pas en vente libre). Je ne sais pas si c’est la meilleure option au Canada, mais chose certaine, je crois que c’est essentiel d’obtenir l’avis d’un.e professionnel.le de la santé avant d’en administrer à un enfant, et d’assurer un suivi si la prise se poursuit sur de longues périodes.

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