Ce sujet m’obsède depuis des années. Je m’étais promis de faire quelque chose là-dessus éventuellement, peut-être même un documentaire en entier. Et je n’ai pas encore abandonné l’idée.
Mais pour le moment, ce sera cet article illustré. Ce qui m’a motivé ? Cette nouvelle dans La Presse, qui dresse une liste (à la fin) de plusieurs scientifiques qui ne croient pas aux mesures sanitaires actuelles et/ou carrément à la pandémie, et qui s’apprêtent à témoigner dans les tribunaux du Québec à ce sujet.
C’est probablement une idée bizarre et inconfortable pour la plupart des gens. J’veux dire…
- Comment la directrice poly-diplômée d’un centre de recherche pourrait-elle dire des niaiseries sur la science ?
- Comment un médecin renommé pourrait-il être complètement dans le champ quand il parle de santé ?
- Comment la lauréate ou le détenteur d’un Prix Nobel peut participer à la désinformation et être adepte de théories de conspiration ?
Leur défense typique ? Se dire persécutés par leurs pairs pour avoir le courage de « dire les vraies choses » et de dénoncer le discours « mainstream ». Puis faire des appels aux émotions, se dire « ouverts d’esprit », bref se présenter en champions voulant défendre le bien-être et les intérêts de la population. Et le pire, c’est que ça marche.
À cause de tout ça, ce n’est pas surprenant que le public ne sache plus qui croire, et à qui accorder sa confiance.
Quand c’est monsieur-madame-tout-le-monde qui dérape, on est rarement surpris. Mais quand ce sont des scientifiques qui dérapent, la confusion est souvent totale.
J’ai tenté ici d’identifier quelques-uns des principaux mécanismes pouvant expliquer les petites et grandes dérapes, en les accompagnant de plein d’exemples tirés de l’actualité et de conseils pour se protéger collectivement.
Note #1 : Encore une fois, la liste des mécanismes ci-dessous n’est pas exhaustive; ce sont ceux qui m’apparaissent comme les principaux à l’issue des recherches que j’ai faites sur le sujet. Par exemple, une lectrice m’a dit que les conflits d’intérêts financiers pourraient aussi causer des dérapes, ce qui est tout à fait vrai. De plus, peut-être que vous nommeriez ou classeriez mes 5 points différemment, ce qui est tout à fait correct. Une autre lectrice m’a par exemple fait remarquer que mon point « militantisme » est finalement une autre façon de présenter le phénomène de dissonance cognitive, et je suis vraiment d’accord. Bref, il y a un nombre infini de parler du sujet, et ce qui suit constitue ma modeste tentative de résumer les grandes idées.
Note #2 : En ce qui concerne les exemples qui suivent de scientifiques qui ont pris des tendances discutables, il s’agit de mon opinion personnelle / ma liberté d’expression. Aussi, je vais me concentrer principalement sur des exemples européens ou américains pour des raisons légales, mais sachez que des scientifiques au Québec qui ont dérapé, et qui dérapent encore à ce jour, il y en a.
La science pathologique, c’est un processus psychologique dans lequel un.e scientifique qui, à l’origine, respectait la méthode scientifique, commence à s’écarter progressivement de cette méthode et s’entête à interpréter ses travaux à sa façon.
On dit que ce processus est « pathologique » parce que ça devient une obsession. La personne est incapable d’admettre ses erreurs, même si tout indique qu’elle a tort.
(dramatisation… les changements physiques sont rarement apparents)
Bref, la personne commence inconsciemment à se créer « sa propre science » en parallèle avec la science légitime.
Luc Montagnier est un virologue français. C’est l’un des scientifiques les plus connus de la planète, car ses travaux ont contribué à la découverte du virus du VIH dans les années 80 et 90. Puis en 2009, il publie des travaux extrêmement bizarres à propos de la « téléportation de l’ADN », i.e. l’idée que l’ADN humain émet des ondes électromagnétiques quand il est dilué dans l’eau. Selon lui, ses travaux remettent en doute les fondements de la chimie moderne. Cette idée est rapidement adoptée par les homéopathes pour faire la promotion de leurs remèdes à base d’eau et de sucre.
Évidemment, la vaste majorité de la communauté scientifique trouve que c’est du gros n’importe quoi. Mais il n’a jamais démordu de son idée. En 2014, un article dans Science à son sujet mentionne qu’il s’agit d’un cas classique de… science pathologique.
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Quand on étudie en sciences à l’université, on nous apprend, de manière très générale, comment lire, analyser et critiquer des études scientifiques. C’est important, parce que tout ce qu’on fait s’appuie là-dessus.
Mais la réalité, c’est que beaucoup de programmes de science (particulièrement ceux dans le domaine de la santé) passent très peu de temps là-dessus. En pharmacie par exemple, j’ai eu un (1) cours sur le sujet. On lisait des publications et on critiquait leur méthodologie, pour l’exercice. C’était une très bonne introduction, et j’avais l’impression d’avoir appris beaucoup. Donc je me pétais pas mal les bretelles sur ma capacité à bien comprendre une étude.
Puis quand je suis arrivé dans mes études aux cycles supérieurs, et sur le marché du travail, j’ai réalisé que dans les faits, j’étais quasi-nul.
Peut-être que c’est juste moi qui était poche… ça se peut.
Mais en même temps, ce que j’ai compris au fil du temps, c’est qu’analyser la littérature scientifique, c’est une compétence qui se développe seulement si on la pratique sur une base régulière, et qu’on se forme davantage sur le sujet (i.e. apprendre plus que ce qu’on a vu dans nos cours de base). De mon côté, j’ai fait de la formation supplémentaire, et j’ai eu la chance de devoir faire de l’analyse critique de publications pendant des années dans le cadre de mon travail, mais d’autres n’ont pas eu cette opportunité.
Longue intro, je sais. Mais le bottom line, c’est que (ATTENTION : STATEMENT CONTROVERSÉ ICI) certains scientifiques et professionnels de la santé ne savent pas analyser la littérature scientifique.
Attention, ce n’est pas un blâme de ma part; c’est un constat. Je ne peux pas leur reprocher quelque chose qui ne nous a jamais été présenté comme une priorité. On manque de formation là-dessus et, à mon avis, ça pourrait expliquer plusieurs dérapes chez des scientifiques.
Dans les dernières années, j’ai eu quelques… accrochages publics, disons, avec un professionnel de la santé qui a une vision diamétralement opposée de la mienne. Dans un de ces accrochages…
Et dans un autre accrochage…
J’ai aussi remarqué une tendance dans son contenu, qu’on appelle le « cherry picking ».
Quand on cite des études, c’est absolument essentiel d’être capable de distinguer les différents types de publications, de comparer les différentes méthodologies et d’identifier les limites des différentes analyses statistiques. Sinon, on peut facilement citer des tonnes d’études… sans réellement être en mesure de bien les interpréter.
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Au risque de passer trop de temps sur ce point, j’aimerais ajouter qu’analyser la littérature scientifique devient de plus en plus difficile.
Il y a désormais tellement de failles dans le processus de publication des études qu’il se publie littéralement n’importe quoi. La littérature est « polluée » par une tonne de recherches mal faites, qui n’ont aucune validité. Donc souvent, fouiller dans la littérature scientifique donne l’impression de fouiller dans les ordures.
Il existe même des revues qui existent exclusivement pour publier de la « scrap ». On les appelle des revues prédatrices.
Ce sont des journaux louches où il suffit de payer quelques centaines de dollars pour publier. Le processus éditorial est fait tout croche, ou carrément inexistant. Moi-même, je me fais souvent solliciter pour publier dans ce genre de revues :
Un.e scientifique en dérape peut facilement publier dans ces pseudo-revues pour étoffer son C.V.
Une autre option est de publier dans des journaux légitimes, mais en manipulant subtilement les données pour qu’elles paraissent mieux. Il y a plein de façon de faire ça (j’ai publié une BD là-dessus), et depuis quelques années, il y en a plein de nouvelles : p-hacking, HARKing… et plein d’autres mots cools qui finissent par -ing.
Oui, c’est de la fraude scientifique. Et c’est plus répandu qu’on pense.
Malgré tous ces problèmes, les données probantes publiées demeurent le meilleur outil pour baser nos décisions. Il n’y a rien de parfait.
Peut-être que les scientifiques qui dérapent ont plus de difficulté à naviguer à travers tout ça, et à ne pas se faire prendre ?
Des fois, pas besoin de chercher de midi à quatorze heures : ça peut être simplement un problème d’égo démesuré.
C’est facile, dans une carrière scientifique prestigieuse, de se raconter à soi-même qu’on est le « real deal », trop fort pour la ligue.
Est-ce que j’ai mentionné tout à l’heure que Luc Montagnier (le monsieur de l’ADN qui se téléporte) est le lauréat d’un Prix Nobel ? Ça peut légèrement enfler l’égo, ça.
Ça ne l’a pas empêché d’ailleurs, en avril 2020, d’affirmer que le coronavirus SARS-CoV-2 avait été créé en laboratoire.
Il n’est pas le seul : on parle parfois à la blague d’une « maladie du Prix Nobel » (ou nobélite) à cause de lauréats qui ont complètement dérapé après avoir reçu le prix.
L’égo peut aussi enfler à cause d’une attention médiatique exagérée.
(P.S. a-t-il précisé qu’il était une star ?) |
Parlant de ça… est-ce que ça pourrait expliquer pourquoi, dans la dernière année, des médias de grande écoute ont donné la parole à des scientifiques qui minimisaient la pandémie et/ou les mesures sanitaires ?
Au Québec, au moins deux médecins se sont même retrouvés sous enquête par leur Ordre professionnel pour cette raison (médecin 1 / médecin 2).
Un infectiologue en France a été démis de ses fonctions après avoir tenu, pendant longtemps, des propos conspirationnistes sur plusieurs tribunes médiatiques.
J’ai aussi remarqué que les médias demandent régulièrement l’avis de scientifiques sur des questions qui dépassent largement leur champ d’expertise. Par exemple, dans ce que j’ai vu dans les derniers mois, je me suis demandé si c’était vraiment approprié de demander à un physicien spécialisé en solutions énergétiques ce qu’il pense des mesures de confinement ?
Sachant l’immense impact qu’ont les médias sur les perceptions populaires, il y aura un sérieux post-mortem à faire post-COVID.
P.S. Une lectrice (Mylène) m’a partagé la super bonne observation qui suit : « J’ajouterais que les dérapes ne commencent pas du jour au lendemain à des niveaux extrêmes. C’est une douce dérape qui se fait souvent très progressivement. Comme professeur(e)s d’université, on se fait souvent solliciter par des médias pour aborder des sujets qui ne sont pas du tout dans notre champ d’expertise. Et même dans une entrevue dans notre domaine, les journalistes veulent parfois qu’on se prononce sur des choses qui dépassent nos connaissances. C’est vraiment à nous de reconnaître nos limites et de refuser dans ces cas. »
La pensée critique, c’est être capable de reconnaître les erreurs fréquentes de logique, les pièges du cerveau humain, et d’analyser la qualité d’un argumentaire.
Ça peut être tentant de se dire que si quelqu’un a étudié en science, il a forcément développé son esprit critique…
Mais en fait : PANTOUTE.
Pour une raison super simple : on n’enseigne pas l’esprit critique à l’université dans les programmes de science ou de santé.
(la seule fois où on m’en a parlé durant mon bacc, c’était dans un cours optionnel de philo hors-programme que j’ai pris pour le kick)
Bref, c’est une aptitude qui est complémentaire à la science. En fait, on n’a AUCUNEMENT besoin d’être scientifique pour avoir l’esprit critique. Toutes les combinaisons sont possibles :
(d’ailleurs, plusieurs champion.nes de la pensée critique, comme le philosophe Normand Baillargeon, ne sont pas des scientifiques à la base)
Les scientifiques sont tout autant victimes que le reste de la population des biais cognitifs et des raisonnements fallacieux.
Un piège assez fréquent dans lequel des scientifiques risquent de tomber est de supposer que parce qu’ils ou elles connaissent extrêmement bien un domaine de la science, alors les autres domaines de la science leur seront tout aussi accessibles. Mais ce n’est pas forcément le cas.
Une scientifique bien connue, dont le C.V. est exceptionnel (post-doctorats, directrice d’un centre de recherche, multiples publications scientifiques) a publié un livre il y a quelques années où elle vantait les mérites d’une diète très restrictive. Dans le livre, elle présente des tableaux avec des taux d’efficacité (en %) de sa diète pour divers problèmes de santé : maladie de Crohn, sclérose en plaques, et autres maladies graves. D’où viennent ces pourcentages ? De recherches publiées dans des journaux réputés ? Mmm pas exactement. On apprend en fait dans le livre (c’est subtil) que c’est une compilation de commentaires reçus sur son site web. Un peu d’esprit critique lui aurait révélé que ce genre de résultats n’a aucune validité quelconque.
Il y a 2-3 ans, je mangeais avec un groupe de médecins dans le cadre d’une journée de formation, puis on a commencé à parler de la diète cétogène, très populaire à l’époque. Ils étaient extrêmement enthousiastes envers ce type d’alimentation, donc je leur ai demandé pourquoi, considérant qu’il y avait très peu d’appui scientifique pour la recommander. Leurs réponses :
Je ne peux pas blâmer ces médecins pour leur curiosité scientifique, qui est toujours souhaitable. Je suis aussi persuadé que comme la vaste majorité des professionnel.les de la santé, ils ont une réflexion critique sur la plupart des sujets relatifs à leur pratique. Mais pour ce sujet en particulier, j’espère qu’avec le temps, ils et elles ont pu bonifier leur argumentaire.
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Les scientifiques peuvent autant être dans le champ que n’importe qui.
(j’aurais juste pu écrire cette phrase finalement, car elle résume l’article au complet !)
Pour cette raison, ce serait simpliste – et injuste – de présenter les scientifiques comme « les bons » VS « ceux qui ont dérapé ». La vérité est que c’est un continuum, à l’intérieur duquel une carrière scientifique peut évoluer, progresser ou régresser à divers moments.
Aussi, tous les scientifiques ont des angles morts et font des erreurs, moi inclus. Il ne faudrait pas crier à la « dérape » dès qu’un.e scientifique a tort; ce serait complètement contre-productif. Ce qui distingue les dérapes, c’est l’incapacité de la personne à prendre conscience de son égarement et à corriger le tir, quand tout indique qu’elle s’est trompée.
Enfin, je ne pense pas non plus qu’il faut museler ou abandonner ces scientifiques. La plupart ne sont probablement pas perdus à jamais.
Mais en attendant, comment se protéger intellectuellement de ceux et celles ont dérapé ? Voici 3 questions faciles à se poser face à un avis d’expert dans les médias ou ailleurs :
1. QUI PARLE ?
Combien d’experts pensent ça ? Un ? Deux ? Douze ? Si ce n’est pas précisé dans l’article, ça devrait l’être.
Aussi, pourquoi on les écoute EUX ? Est-ce qu’on a demandé l’avis à d’autres ? Sinon, pourquoi ?
2. QUELLE EST SON EXPERTISE ?
Un.e scientifique ne connaît pas tous les domaines de la science, son expertise est limitée. Il ou elle devrait s’en tenir principalement à son champ d’expertise, ou sinon justifier ce qui lui permet de sortir de ça.
(Prévision de critique : « Et toi Le Pharmachien, tu ne dépasses pas ton champ d’expertise, avec tous les sujets dont tu parles ?! ». Question légitime, et c’est d’ailleurs pour ça que j’implique des experts de différents domaines dans tous mes projets de vulgarisation scientifique.)
3. EST-CE QUE LES PROPOS DE CE.TTE SCIENTIFIQUE REPRÉSENTENT L’AVIS GÉNÉRALEMENT ACCEPTÉ DES SPÉCIALISTES DANS LE DOMAINE ?
Ou est-ce qu’il ou elle véhicule son opinion, ou sa version très personnelle des faits ?
S’il y a un certain consensus sur le sujet, est-ce ce consensus qui est véhiculé, ou une conception marginale des faits ?
J’invite les médias à se poser aussi ces questions quand ils invitent un.e scientifique.
…
Et pour terminer, vu que personne n’est à l’abri de ça, je ne le suis pas moi non plus.
Donc si jamais je dérape plus tard dans ma carrière, si je perds la carte et que je bascule du côté obscur, je compte sur vous pour me mettre hors d’état de nuire. Pour vous aider, voici quelques-unes de mes faiblesses :
Sans écriture inclusive et fautes d’orthographe votre article aurait eu un certain intérêt.
Marie
Good !
Olivier
Le cours, était-ce PHI16-149 (Principes de logique) ? Moi ça m’a fait réaliser bien des choses 🙂
En plein ça !!! :O
Olivier
Salut Olivier,
Comme toujours, très bon article, et la vulgarisation est à point, sans compter que c’est un sujet extrêmement important en temps de pandémie. Étant moi-même diplômé de l’université en biologie et en psychologie, cet article-ci vient particulièrement me chercher.
Aujourd’hui, tous les sujets semblent être en lien avec la pandémie et sont directement et indirectement visés par une quelconque désinformation : vaccination, éthique animale, environnement, alimentation, santé mentale et bien d’autres. Le public, incluant moi, mes ami(e)s à la maîtrise et au doctorat ainsi que mes collègues, ne savent plus toujours quoi penser, alors je n’imagine pas le citoyen ordinaire. Autrement dit, c’est que l’esprit critique n’est pas non plus toujours donné à l’universitaire.
En tant que biologiste, je suis également un militant environnemental qui considère la sensibilisation et l’éducation face aux changements climatiques, au réchauffement de la planète, aux autres problèmes environnementaux ainsi qu’à l’éthique animale, très importantes. Bref, je crois que tout bon scientifique peut et doit prendre position dans un domaine qui l’interpelle, tout en se basant sur le consensus scientifique, bien sûr. Tu as raison, le scientifique qui travaille et qui publie sur un sujet quelconque, en revanche, devrait s’abstenir de devenir un militant sur ce sujet précis, afin d’éviter les biais cognitifs.
Bref, c’était mon petit commentaire à un autre excellent article de ta part.
Petit bémol (tu peux aussi retirer cette partie de mon commentaire avant de le publier si tu décides de le faire) : dans le texte, quelques erreurs facilement corrigibles (fautes de frappe) :
1) (c.-à-d. apprendre plus que ce qu’on nous a vu dans nos cours de base)
2) avait se répète deux fois dans l’un des dessins
Merci Yoan !
J’ai reformulé la partie sur le militantisme après quelques discussions à ce sujet. Et je suis tout à fait d’accord avec toi que « tout bon scientifique peut et doit prendre position dans un domaine qui l’interpelle, tout en se basant sur le consensus scientifique ».
Olivier
Merci! Super instructif mais aussi amusant. J’adore les dessins , surtout les diplômes ( McDo et Trip Advisor- hahaha). Et je suis contente de moi car j’ai souvent cette première question à la lecture d’un texte ou quand j’entends une entrevue : » c’est quoi son expertise sur ce sujet? ».
Bonjour Olivier! Très pertinent, comme d’habitude! Je suis toutefois un peu triste que tu ne parles pas des bibliothécaires ni de la recherche de la documentation, qui je crois est une étape essentielle. Une bonne recherche permet de faire moins de cherry picking, et diminue les risques de tomber sur des revues prédatrices ou à faible niveau de preuve.
En tant que bibliothécaire universitaire en sciences de la santé, un de mes rôles est de rendre les étudiants (et les chercheurs aussi, d’ailleurs) « compétents informationnellement », c’est-à-dire de les rendre aptes à trouver des articles sur un sujet sans biaiser leur question de recherche initiale, chercher dans des bases de données reconnues qui ont moins de risque d’avoir des revues prédatrices et évaluer la validité et la fiabilité des sources. On est très au courant des revues prédatrices et de plein d’autres sujets (en lien ou pas avec le sujet haha).
Dans la pratique basée sur les données probantes, on intervient dans la sphère « collecte des données probantes », justement. On donne des cours sur cette recherche.
Je suis bibliothécaire depuis un moment déjà, et j’ai vu au fil des années une meilleure reconnaissance des professeurs face à notre expertise et nous sommes maintenant davantage impliqués dans les cours. Du moins, auprès des clientèles que je dessers. Je sais que quelques universités rendent obligatoires des formations auprès de bibliothécaires, ou carrément parfois des cours en ligne sur les compétences informationnelles.
J’espère que ça aide les étudiants à améliorer leurs habiletés dans la recherche de données probantes! 🙂 Si tu veux plus d’information à ce sujet, ça me fera plaisir de te répondre.
Bonne journée et merci pour ce que tu fais!
Allo Myrian !
Je suis tellement d’accord, merci de le préciser !
Moi-même pour ma série télé je collabore avec des spécialistes de la curation scientifique / bibliothéconomie pour m’aider à dépouiller la littérature. Donc j’apprécie au plus haut point votre expertise 😀
Olivier
Bonjour Olivier, merci pour ce nouvel article, je me suis souvent demandé justement les mécanismes de ces dérapages ! Mon commentaire est une question, vous allez rire, mais je cherche depuis tantôt (et nous ne sommes plus habitués à ne pas avoir la réponse au bout des doigts!) : c’est dans quel film dont que les 2 méchants finissent dans un miroir dans l’espace à la fin !!!!! AHHH !
Superman 1 !!!
https://youtu.be/NWoyRlPOb3Q?t=269
Olivier
Merci et Bravo pour l’essentiel rôle de Pharma-chien de garde que vous occupez.
Si je peux ajouter, ce n’est pas demain que vous pourrez remiser votre cap de défenseur de la vérité (ou de ce qui s’en rapproche).
Après combien de références de super héros doit-on payer des droits d’auteur aux grosses compagnies?
Blague à part, une autre excellente BD. Toujours aussi fan de tes bandes-dessinées (depuis 2013, je crois?) et de la propension de tes personnages à se transformer en zombie.
Merci Marilyne 🙂
Je devrais créer le Continuum de Zombification©, c’est vrai qu’il y a une tendance…
Olivier
Lecture très intéressante. Dans la province où je travaille, la pensée critique et réflexive est une des compétences qu’on doit développer dans toutes les matières de la maternelle à la fin du secondaire. On appelle ça des « compétences essentielles ». C’est un gros contrat, mais c’est vraiment important de développer ça chez les citoyens pour justement réagir lors de dérapages. Aussi, si vous êtes intéressés par l’idée des « fausses études » et des publications sorties de boîtes de céréales, le magazine canadien-anglais The Walrus a publié un super article là-dessus il y a quelques années: https://thewalrus.ca/the-rise-of-junk-science/
WOW, c’est quoi cette province ?
Olivier
Bonjour!
Super article, très intéressant comme toujours. Je ne souhaite pas que mon commentaire soit publié, juste te mentionner quelques petites coquilles que j’ai remarqué dans l’article, si jamais tu souhaites les corriger.
Dans la dernière phrase de l’exemple B concernant la diète cétogène, il est écrit « […] elles ont eu pu bonifier leur argumentaire. » (ont eu pu).
Et dans la conclusion il est écrit « S’il y a un certain consensus sur le sujet, est-ce ce consensus qui est véhiculé, ou une conception marginale des faits ? » (est-ce ce).
Bonne journée!
Corrigé, merci énormément Roxanne !
Olivier
Bonjour Olivier,
Ton texte m’a rappelé une réflexion que j’ai eu il y a quelques années sur la formation universitaire dans les programmes de science. Je ne suis pas certain que le fait de compléter un ou plusieurs diplômes en science fait d’une personne un scientifique. Après tout, il y a des créationnistes qui réussissent des cours sur l’évolution. Il y a une différence entre croyances, connaissances et applications de méthodes.
Je suis d’avis que c’est la pratique de la science suivant les principes de la méthode scientifique qui fait des gens des scientifiques. Dès le moment où une personne cesse d’appliquer rigoureusement la méthode scientifique, il n’est plus un scientifique. Je crois que ceci rejoint le concept du continuum, mais trop souvent les gens ont tendance à se fier aux titres et aux diplômes comme si un statut acquis ne pouvait plus être perdu.
Je trouve aussi étrange que la pensée critique ne soit pas mise davantage de l’avant dans les programmes puisqu’elle m’apparaît comme essentielle à la bonne application de la méthode scientifique. Nos programmes de science forment-ils des scientifiques ou des robots capables de réciter des connaissances et de reproduire des expérimentations qui ressemblent à de la science ?
Excellent article, et bonne idée de mentionner l’effet Dunning-Kruger, ainsi que la «maladie du Nobel»!
Avec les questions que tu proposes de soulever quand un texte contient des «des experts disent que…», et également à propos des champs de compétence de ces spécialistes, ça devrait aider à « débunker » quelques propos prononcés de manière «ex cathedra», sans appui sérieux.
Il serait intéressant de relever, également, qu’il faut vérifier la validité des références de ces spécialistes : un ancien professeur de physique, improvisé expert sanitaire sur les masques, avait dénoncé le port de couvre-visage, en affirmant qu’ils étaient inutiles, en se basant sur différentes études. Or, en lisant les études auxquelles il se référait, on avait la surprise de comprendre que puisque, dans la majorité des cas, le masque de procédure et le N95 offraient la même efficacité, cet ex-professeur en concluait que ces masques étaient inutiles. Genre, si les anovulants et les condoms offrent le même degré de contraception, c’est qu’aucun de ces moyens n’est valable… Quand on creuse un peu, on découvre parfois de grosses failles évidentes!
Bonjour Olivier,
Ton article est intéressant et m’amène à réfléchir sur le rôle des bibliothécaires dans le processus scientifique. Je suis présentement bibliothécaire pour le réseau de la santé et des services sociaux.
(je suis fatiguée alors cela va être un peu décousu)
Mon travail est de repérer les articles pertinents sur un sujet donné afin que les usagers (médecins, infirmières, gestionnaires, etc.) puissent prendre des décisions basées sur des données probantes.
Les bibliothécaires œuvrant dans le milieu scientifique sont également appelés à travailler sur les revues systématiques. (Je dis « les bibliothécaires » parce que ce n’est pas mon rôle d’y participer dans mon lieu de travail). Leur travail est donc de repérer, avec une stratégie de recherche reproductible, tous les documents portant sur un sujet donné et ce, dans toutes les bases de données pertinentes. Il faut ensuite sélectionner les documents les plus pertinents à l’aide d’une grille méthodologique précise. Cette grille compte notamment comme critère la qualité méthodologique des articles. Par exemple, l’INSPQ a une armée de bibliothécaires qui font les recherches documentaires avant que les scientifiques puissent écrire leurs recommandations.
Notre métier est mal connu… Le métier de bibliothécaire est perçu comme dépassé. Pourtant nous sommes loin de cumuler des livres sur des tablettes empoussiérées. Pour être bibliothécaire au Québec, il faut une maitrise en science de l’information. Pour travailler dans un domaine universitaire, dans le milieu de la santé ou dans un milieu scientifique, il faut avoir suivi minimum 45 heures de cours en recherche dans les bases de données spécialisées; avoir suivi un cours de 45 heures sur la veille scientifique; et, dans le meilleur des mondes, un cours sur l’indexation ou la bibliométrie.
En tant que spécialistes de l’information, nous sommes les plus qualifiés pour aider les scientifiques à entamer le processus de recherche. Il est dommage que notre rôle soit si peu connu.
Il n’est pas nécessaire de publier mon commentaire. Je voulais seulement partager mon expérience.
Bonne soirée,
MERCI, oui !
Je travaille moi-même avec une équipe de bibliothéconomie et curation scientifique pour ma série télé, qui m’aide à dépouiller la littérature. Leur aide m’est extrêmement précieuse.
Votre travail est méconnu en effet ! Je ne sais pas ce qui peut être fait pour le faire connaître davantage (perso je recommande une curation scientifique à tout le monde que je rencontre en télé), mais vivement plsu de bibliothécaires pour nous appuyer.
Olivier
J’ai tellement envie de te dire que… Rendu là, ce n’est plus explicable rationnellement, c’est la nature humaine, son émotivité.
Les données scientifiques n’ont pas de sentiments et la démarche scientifique doit s’appuyer sur les faits. L’interprétation et l’esprit critique par contre… c’est fait par des humains qui viennent avec tous leurs défauts (égo démesuré, biais cognitifs, blocage face aux critiques, ultracrépidiarianisme… bref, les situations que tu démontres).
Excellent article de blogue.
Toi-même est-ce que tu montres patte blanche? Es-tu complètement indépendant? Est-ce que le fait d`être la majorité à penser une chose fait de celle-ci la vérité? Il a été démontré qu`après le vaccin pour le H1N1 il y a eu des cas narcolepsie on peut en déduire que le vaccin n`est pas toujours fiable et qu`il faut être prudent.
Vous savez le Pharmachien me fais penser parfois au inquisiteurs des années noirs. La rectitude est la sacro sainte vérité. Le pharmachien aurait été le premier à dessiner Darwin avec le corps d’un singe, condamner Galilée ou encore ridiculiser Einstein. Juste le fait de mettre des mots sortie hors contextes dans la bouche Didier Raoul, montre à quel point votre reportage n’êtes qu’un ramassis de bouillis non scientifique pour se moquer des choses qui dérangent les esprits étroits. Attaquer le personnage lorsqu’ on ne peut attaquer ses statistiques et ses idées. C’est odieux pour une émission qui se dit scientifique.
Bon article!
C’est vrai qu’on n’est pas expert en tout et beaucoup de gens ne comprennent pas ça. Moi, j’étais prof d’informatique, spécialisé en développement de logiciels. Mes amis me demandaient parfois de réparer leur ordinateur. Dans le temps c’était un boîtier sous le bureau avec des cartes et plein de fils. Je ne connais rien du hardware et ça ne m’intéresse pas. Quand j’avais une carte à insérer ou un fil à brancher je demandais à mon fils de 16 ans de le faire.
« on n’enseigne pas l’esprit critique à l’université dans les programmes de science ou de santé »
« la seule fois où on m’en a parlé durant mon bacc, c’était dans un cours optionnel de philo hors-programme que j’ai pris pour le kick »
En fait tu en as certainement entendu parler en philo au collégial. Sauf que… Je sais pas. Ton omission renforce mon idée qu’à ~17 ans, personne n’en a rien à foutre de la philo, ou qu’on n’est pas encore assez allumé pour comprendre son utilité. On nous met très tôt dans la tête qu’on va à l’école pour avoir un travail, alors on conclut très vite que la philo (et la littérature, et les cours complémentaires, etc.) c’est complètement inutile.
Aussi, combien de fois j’ai entendu: « pfft, en philo, pour passer, faut que tu sois d’accord avec le prof. » Pis pas que je crois que c’est impossible: ça existe des mauvais profs. Mais d’avoir cette conclusion généralisée à propos de trois cours de philo, je crois que c’est d’être complètement à coté de la track.
Bref, je suis d’avis que la plupart des gens détestent ces cours-là, les passent par obligation, et s’empressent ensuite d’en oublier le contenu, voire leur existence.
Pis j’trouve ça ben d’valeur. 🙂
Oui absolument ! Dans le 1er de mes trois cours de philo au cégep, que j’ai adoré. En fait, mes cours de philo étaient mes préférés après ceux de français.
Mais à l’université, je n’ai rien eu de ça, malheureusement. Et comme tu dis, quand on est au cégep, c’est difficile de comprendre comment ça nous sera utile dans la vie. Moi-même je ne faisais pas le lien.
C’est triste et dommage, en effet.
Olivier
« … est-ce ce concensus qui est véhiculé ou une… »
Cela me paraissait correct ! J’aurais laissé les deux « ce ».
« … est-ce concensus qui est véhiculé » … ça sonne mal à mon oreille!
Voici comment je comprends cela :
Le premier « ce » ne fait-il pas partie de l’expression interrogative « est-ce » ?
Si vous écriviez : « Est-ce le gros Père Noël qui a fait… » ou
« Est-ce ce gros Père Noël qui a fait … » : la seule différence serait que vous remplaceriez le deuxième « ce » par un autre déterminant qu’est le mot « le ».
Le premier « ce » est sujet du verbe « est » et le second « ce » est le déterminant du nom « Père ».
Je ne suis pas spécialiste de grammaire et de syntaxe… mais mon oreille n’aime pas cette correction demandée…
Par ailleurs, j’aime bien que quelqu’un dénonce enfin toute cette littérature parallèle et ces publicités cachées sous de supposées nouvelles scientifiques essentielles à la santé, supposément combattues et niées par « Big Pharma ».
Ce n’est pas que j’ai complètement confiance, non plus, dans l’éthique de « Big Pharma ».
Ce n’est pas que j’ignore qu’au cours des siècles, de nombreux scientifiques qui ont été honnis par la communauté scientifique de leur temps, avaient en fait raison (Galilée, Copernic…). Ils ont souffert du manque d’ouverture critique de leurs contemporains.
Et à l’opposé… la chasse aux sorcières chez les femmes accoucheuses ou chez celles qui possédaient de grandes connaissances sur les plantes médicinales ?
Mais, c’est vrai qu’il est difficile de se retrouver dans tout ce qu’on lit, entend, voit. C’est extraordinaire tout ce que le web nous apporte, mais notre pensée critique est difficile à exercer dans ce contexte, parce que nous manquons de repères, de critères pour exercer notre logique. Merci !
(Mon commentaire n’a pas besoin d’être publié, je voulais simplement ajouter quelques informations qui pourraient t’intéresser.)
Concernant l’effet Dunning-Kruger, il faut être assez prudent, puisque cet effet pourrait ne pas exister du tout. Plusieurs études ont pu répliquer les résultats de l’étude originale en utilisant uniquement des échantillons aléatoires. On retrouve une bonne explication ici : https://www.mcgill.ca/oss/article/critical-thinking/dunning-kruger-effect-probably-not-real
C’est bien sexy pour les médias et on voudrait que ce soit vrai, mais j’ai de sérieux doutes au sujet de ce biais.
Un autre effet qui pourrait être impliqué (même dans plusieurs autres sujets que tu abordes) est la dissonance cognitive (si ça t’intéresse, je te recommande l’excellent livre Mistakes Were Made (But Not by Me) de Carol Tavris et Elliot Aronson). C’est selon moi le biais cognitif le plus insidieux et auquel il est le plus difficile de se soustraire. Ça permet aussi de comprendre comment une personne peu glisser tranquillement vers une certaine rhétorique et pourquoi il est si difficile de la faire changer d’idée une fois que c’est fait. J’enseigne la psychologie sociale et je parle souvent ce biais comme étant le super pouvoir de l’être humain, de résoudre la dissonance cognitive d’une manière ou d’une autre.
Allo Mylène !
Merci pour ton commentaire ! J’ai suivi moi aussi les débats à propos de l’existence / non-existence de l’effet Dunning-Kruger. Ce que je note souvent, c’est que beaucoup de concepts en esprit critique ne sont pas des tntités ou phénomènes formels, mais plutôt de super bonnes façons de les expliquer ou de les conceptualiser. Quand on s’intéresse aux biais cognitifs par exemple, il y a énormément de recoupement, donc forcément qu’il n’y a pas 50 biais, mais plutôt quelques-uns qu’on peut décortiquer. Même chose pour les arguments fallacieux; en anglais ils les appellent des « informal fallacies » car c’est justement très informel, et souvent on peut les ramener à des sophismes de base.
Bref, malgré les arguments très valides sur le Dunning-Kruger, ça me semble encore une explication qui a sa place, à défaut d’avoir un modèle explicatiof aussi élégant. Bien sûr, je susi prêt à me faire challenger là-dessus 😉
Dissonance cognitive : oui absolument ! En fait, mon point « militantisme » pourrait complètement être remplacé par ça, ce serait peut-être même plus précis.
Merci encore pour la discussion super intéressante !
Olivier
Mon problème avec l’effet Dunning-Kruger est plus de l’ordre méthodologique que théorique. La théorie est en effet intéressante, mais si on ne peut pas l’appuyer par des études utilisant des méthodes statistiques rigoureuses, on devrait la laisser tomber ou du moins ne pas lui accorder autant d’importance. Les études démontrant l’effet Dunning-Kruger on utilisé une façon un peu étonnante de gérer leurs données en les divisant en quartiles sur la base de la performance réelle des participants. C’est questionnable statistiquement parlant et à ma connaissance, toutes les études qui démontrent cet effet utilisent la même approche statistique. Le fait que des études ont pu très facilement répliquer les résultats avec des échantillons aléatoires n’est pas banal et va directement à l’encontre de l’interprétation d’un résultat statistiquement significatif (probabilité que l’effet observé soit dû au hasard). Je rapprocherais donc plus ça de tes arguments concernant la manipulation des données.
Le problème est surtout que lorsqu’on utilise d’autres méthodes statistiques pour tester cette théorie, on n’arrive pas à l’appuyer (p.ex., Gignac & Zajenkowski, 2020). J’ai l’impression qu’on se retrouve avec un bon vieux biais de confirmation, où la majorité des gens, certains scientifiques inclus, croient que l’effet Dunning-Kruger est bien démontré et vont sélectionner l’information qui confirme leurs croyances tout en rejetant ce qui l’infirme.
En ce qui concerne ton point sur la possibilité de décortiquer les biais, je suis tout à fait d’accord. On revient généralement aux mêmes biais cognitifs : biais de confirmation, dissonance cognitive, biais d’unicité, optimisme irréaliste et surtout besoin de se percevoir de manière positive (lié à l’estime de soi, pas un biais en soi, mais pourrait aussi bien expliquer pourquoi les personnes qui ont peu de connaissances surestimeraient leur niveau).
Bref, je suis bien d’accord qu’il est important d’insister sur le fait que 100% des personnes ont ces biais, même toi et moi malgré toute l’objectivité qu’on tente d’avoir. 😉
Je crois sincèrement que beaucoup de professions bénéficieraient d’un cours de psychologie sociale, parce que c’est facile de croire à son objectivité personnelle, surtout en sciences ou en santé, alors que ce n’est pas tout à fait le cas.
(Merci d’effacer / de ne pas valider mon autre commentaire, qui fait doublon avec celui de Mylène – je remets juste le lien vers https://www.psychologytoday.com/us/blog/how-do-you-know/202012/dunning-kruger-isnt-real, un peu plus simple à lire que celui de mcgill)
Olivier, tu as tout à fait le droit de partir du principe que l’effet DK est un effet cognitif réel. (Je pense à titre personnel que l’explication biais d’optimisme + effet statistique est plus convaincante pour le papier originel, mais je ne suis absolument pas compétent sur le sujet, et pour autant que je puisse en juger l’explication statistique est plutôt minoritaire parmi les personnes compétentes (chercheurs en psychologie etc.).)
En revanche, la non-monotonicité de la courbe de compétence estimée (avec un « mount stupid » en gros et en rouge dans ta BD) n’est ni dans la publication originale, ni dans aucune des réplications ultérieures. La vraie courbe est plutôt un plateau. Cette illustration est donc pour le coup assez trompeuse au vu du consensus scientifique sur le sujet.
Vous m’avez convaincu de reconsidérer tout ça 😀
Dunning-Kruger n’est plus dans la BD et je vais suivre avec intérêt la suite des choses dans le domaine.
Merci beaucoup, j’apprécie énormément ces discussions ! Elles rendent le contenu meilleur.
Olivier
Bonjour Olivier,
Ton article constitue un complément très intéressant au chapitre 1 du livre de Thomas Durand (auteur de la chaîne youtube «La tronche en biais») intitulé «Quand est-ce qu’on biaise? Il y aborde quelques-unes des différentes acceptions du terme «science». Ça me permet d’expliquer aux étudiantEs dans mes cours de philosophie pour quelles raisons on peut lire sur les réseaux sociaux des commentaires du genre: «la science se contredit».
Bien que ta charge de travail soit assurément bien remplie, j’aimerais te suggérer humblement un thème (ou plutôt un méta-thème) pour un épisode futur Des aventures du pharmacien lors d’une prochaine saison. La pandémie actuelle constitue un témoignage éloquent de l’inculture scientifique abyssale de la population en générale, et des journalistes en particulier. Combien de fois avons-nous entendu de la part de journalistes, d’animatrices ou de chroniqueurs des commentaires aux fondements épistémiques très discutables, voire erronés, dans les médias au cours des derniers mois. Qui plus est, comme tu l’as abordé dans ton article, il y a des «scientifiques» (terme trop générique qui prête à confusion) qui se sont permis de déborder du champ de leur réelle expertise. Je trouve dommageable au plan démocratique qu’on leur fournisse ainsi des tribunes, et ce, même dans des médias qualifiés de sérieux comme Le Devoir, La Presse ou Radio-Canada. «Est-ce que les journalistes sont bien outillés pour comprendre la science?», ou autre question similaire, me semblerait un sujet important à aborder.
Merci pour ton travail. C’est une contribution essentielle au développement de l’esprit critique nécessaire à la vie démocratique.
Je ne trouve plus la référence et c’est bien dommage mais…
Dans le magazine « pour la science », ils avaient mentionné une histoire intéressante. C’était à l’époque où il fallait déterminer si la communication entre les synapses était majoritairement électrique ou chimique. Il s’est trouvé qu’une des têtes de file du « mouvement » électrique a fait une expérience pour prouver qu’il avait raison… et qui a prouvé qu’il avait tort. Pourtant, il n’a pas dissimulé l’expérience comme l’aurait fait certains mais l’a publiée et a admis avoir eu tort pendant des années. Pas totalement désintéressé: en publiant l’expérience il se retrouvait en tête… dans le domaine de la connaissance des synapses. Manière de dire: « je suis tellement doué que c’est moi même qui corrige mes erreurs, pas mes opposants ». Mais il faut quand même le créditer d’un sacré esprit critique.
A propos d’esprit critique et de militantisme…
Une question à se poser parfois c’est supposons qu’on me démontre que j’ai tort. Pas seulement pour des détails mais pour des trucs auquel je suis profondément attaché (par exemple « c’est mal de tuer »). Est-ce que j’arriverais à accepter ces arguments qui me démontrent que j’ai tort ou est-ce que je les rejetterais parce que les accepter signifierait remettre toute ma vie en cause?
J’avoue, le data dredging je l’ai pratiqué en fac… pour les TPs.
Le problème: on était notés sur le fait que nos expériences collent bien avec la théorie (!!!). Genre on est censé obtenir 30% +/-1% de truc en théorie, ben si l’expérience donnait comme résultat 25%, on perdait 4 point sur la note finale (29-4).
On allait donc se renseigner sur la valeur théorique. Les stats sont des formules mathématiques. Donc on peut partir de la valeur de proba souhaité pour savoir quels « résultats » on va devoir obtenir pour avoir un bon score.
Si la note avait essentiellement porté sur la méthode et le travail fait et non uniquement sur le résultat, personne n’aurait triché.
Quand j’y pense, ça peut rejoindre les problèmes des scientifiques. Je me souviens d’un doctorant qui a passé 5ans à chercher la raison d’être d’une séquence ADN. Au bout de 5ans la réponse était « ça ne sert à rien, c’est juste un truc au hasard ». Honnête mais frustrant. Le problème était que dans son CV qui allait conditionner ses emplois futurs, il n’y aurait pas « j’ai été un chercheur super honnête et super consciencieux pendant 5ans ». Il y aurait « j’ai passé 5ans pour ne rien trouver au final ». Grosse incitation à tricher, le financement de la recherche…
Bonjour Olivier,
Encore une fois, un article très pertinent et bien éclairant. Je suis très surprise que vous n’ayez pas eu plus de cours que cela en pharmacie sur l’analyse et l’interprétation des écrits scientifiques! Pour ma part, je suis infirmière, et j’ai eu au moins 2 cours sur le sujet au baccalauréat, soit « Épidémiologie » (le vrai nom du cours m’échappe, tous les programmes en santé devaient le faire) et « Processus de recherche ». Autant ces cours étaient détestés par les autres étudiants, autant ils me fascinaient. Et dans la plupart de nos cours, nous devions être en mesure d’avoir une pensée critique envers les données utilisées pour appuyer nos travaux; on nous a sensibilisés à l’importance de cette démarche tout au long de notre formation.
On a régulièrement de multiples exemples de gens qui se font « leur science », leur expérience personnelle devenant une preuve béton de leurs arguments, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans les médias. La bataille de la rigueur scientifique n’est pas terminée ! Merci pour ton travail, je crois que c’est une cause importante pour laquelle on a besoin de plus de militants 😉
Mireille
Très bel article, dynamique (références cinématographiques) et pas moralisateur.
Je te suis depuis quelques années (livres et émissions), tu nous aide vraiment dans notre travail.
Beau clin d’œil à Normand Baillargeon !
Bonne continuité !!
Excellent,
À noter une petite coquille : « Parlant de ça… est-ce ça pourrait expliquer pourquoi … » : est-ce ça ;).
Continuez votre excellent travail.
Corrigé, merci Carl !
Olivier
[…] Nous ne saurions que recommander à notre pharmacienne de consulter son collègue québécois, Le Pharmachien, qui fait une mise au point : Quand les scientifiques dérapent […]
En science, il est tellement facile de commettre des erreurs de jugement et d’interprétation. Je me souviens, il y a assez longtemps, quand j’étudiais au doctorat en physique, on avait une pile d’articles ou on mettait toutes les publications qui selon nous étais la crème des stupidités que seuls des clowns avait pu écrire. Quand on voulait rire un bon coup on en prenait une et la lisait. Dans la pile, on avait mit le rapport d’un groupe qui disait mesurer des distances de moins de 1 angström avec un interféromètre. Wow plus petit qu’un atome quel imbecile. Quelques années plus tard, ben le petit groupe de farfelu est devenu LIGO….détection d’ondes gravitationnelles et le reste….qui est le dindon de la farce maintenant….oups. Preuve qu’il faut toujours se méfier de notre jugement.
Bonjour Olivier,
je suis très impressionné par la profondeur de tes articles et celui-ci est tout aussi intéressant. C’est un sujet qui me fascine, mais me fait également très peur. Je suis extrêmement déçu de l’attention que certains mouton noirs du monde scientifique tendent à avoir ici et là.
Je crois que cet article devrait être utilisé dans les écoles secondaires. Ces discussions devraient avoir lieu plus tôt que tard. On est dans l’ère du trop d’information et tout le monde semble avoir un opinion sur tout. Je dois avouer que je passe plus de temps à vérifier des sources qu’à lire de nouvelles recherches.
J’ai eu plusieurs cours de méthodologie à l’université et je dirais que la majorité de mon baccalauréat en science politique a été de critiquer tout ce qu’on lisait. Et je dois avouer que dans de grandes classes, ça a souvent été chaotique et cacophonique en même temps, mais parfois de très bon débats. Les gens ont de très forts opinions et essayer de les persuader de regarder le tout rationnellement est pratiquement impossible; au moins sur le coup. Malgré le souhait de former des esprits critiques, la vaste majorité des inscrits à mon programme n’ont jamais gradué ou n’ont jamais été capable de former un esprit critique.
Connaissez-vous le Crackpot Index?
https://math.ucr.edu/home/baez/crackpot.html?fbclid=IwAR3CbIvdDstMJe9OEh71AZWaiaUOLw4UoJKR5O-iV0aIVId8EOulHPIIFr0
J’avais jamais vu ça non ! 😀
Juste avec le #37, qui est presque toujours présent, ils gagnent beaucoup de points.
Bonjour,
Très bon article, merci pour votre travail.
J’ai juste une remarque c’est à propos des études scientifiques.
Je ne comprends pas pourquoi parfois on justifie de ne pas essayer quelque chose en disant qu’on n’a pas de preuve scientifique.
Je ne parle pas de sujets graves, comme par exemple de traiter le cancer avec des infusions de pissenlits.
Par exemple, si on n’a pas de preuve scientifique que le sucre excite les enfants, pourquoi ne pas encourager tout de même les parents d’un enfant TDAH Hyper Mega Excité d’essayer de couper le sucre? C’est anodin de couper le sucre. Au mieux ça calme l’enfant, au pire il aura eu moins de bonbons et aura de meilleurs dents.
Parfois la meilleure étude scientifique c’est sur soi même. Pis on manque tellement de fond pour les études scientifiques, c’est même pas dis un jour que quelqu’un s’intéressera à étudier l’effet du sucre sur les enfants TDHA Hyper Mega Excités.
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Je suis d’accord avec toi : « pas de preuves » ne devrait pas se transformer en : « NE FAITES PAS ÇA !!! ». Dans ma pratique, je rencontre constamment des gens qui font le choix d’essayer de traitements qui ne sont pas appuyés scientifiquement, même après que je leur ai donné l’information. Et ça c’est bien correct, car on doit toujours respecter l’autonomie du patient, qui est un principe fondamental en éthique médicale.
Il y a un autre principe qui vient avec par contre : le jugement éclairé. Pour qu’une personne puisse jouir de son autonomie, il faut qu’elle ait été mise au courant des connaissances les plus exactes sur le sujet. C’est ça mon rôle comme pharmacien et vulgarisateur : de donner au public l’ensemble de l’information scientifique, pour que la personne puisse ensuite prendre sa décision. Et si la décision est de faire la diète sans sucre, ou de prendre tel produit naturel, c’est parfait de mon point de vue, en autant que ça ne menace pas sa santé.
Merci encore et A+!
Olivier
Une méta-analyse peut analyser aussi peu que 16 études?
Absolument. 16 études est un excellent nombre. Certaines vont en analyser 5-6 seulement.
En fait, en préparation d’une méta-analyse, les chercheurs vont souvent identifier beaucoup plus de publications, mais plusieurs ne satisferont pas aux critères de sélection. Donc par exemple, 30 publications pourraient être identifiés, mais seulement 8 incluses dans l’analyse à proprement parler.
C’est aussi le défaut des méta-analyses, i.e. il n’y a pas d’examen approfondi de la méthodologie des études, comme c’est le cas dans les revues systématiques. Donc parmi 18 études, 15 peuvent être de qualité médiocre, et le résultat au final a donc de fortes chances d’être peu fiable. Mais malgré cette limite, les méta-analyses demeurent un outil important.
Merci pour la question Thomas !
Olivier
Allo Olivier – Ce n’est pas grand chose, mais le titre me « titille » juste un peu de ce super article. Un micro « ajustement » ferait une grande différence.
Je n’aime pas vraiment l’allusion à cause du « LES » dans les scientifiques…
Je crois qu’il serait plus juste et équitable de dire « DES » comme dans « Quand DES scientifiques… ».
Ça va ?
Je trouve que le titre peut faire trop plaisir aux pro-complots…qui ne lirons pas et s’approprieront et du titre et de ta notoriété pour mettre de travers dans leurs ragots.
Utiliser DES laisse davantage supposer qu’ils ne sont en réalité pas si nombreux que ça alors que « les »…ça ratisse trop large ;-). À toi de voir.
Autrement, EXCELLENT article rafraîchissant et merci ! (pas nécessaire de me publier).
O.
Allo Ophélie !
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Tu as des super bons points, qui m’ont fait réfléchir, et je n’ai pas d’argument pour conserver mon titre actuel à part que j’aime mieux « les » que « des »… donc finalement, j’ai changé le titre comme tu le suggères 😀
A+!
Olivier