On a appris ce matin que deux médicaments à base d’hormones pour soulager les symptômes de la ménopause vont être pleinement remboursés par la RAMQ, soit l’estrogène en gel et la progestérone micronisée en capsules. Avant, ces produits étaient remboursés, mais seulement selon certains critères, parce que leurs fabricants les vendaient trop cher par rapport aux avantages escomptés.
À noter que certains qualifient ces produits de « bio-identiques », mais c’est un terme de marketing qui n’a rien de scientifique, et qui devrait être évité, à mon avis. J’explique en détails pourquoi dans un épisode des Aventures du Pharmachien (saison 5, épisode 20, que vous pouvez écouter sur ICI tou.tv).
Globalement, je trouve que cette nouvelle, c’est positif ! Pour deux raisons :
1.Ça donne plus d’accès à ces produits, qui sont aussi efficaces que les autres et qui ont possiblement un léger avantage sur le risque de caillots sanguins (qui reste à confirmer). Aussi, ces produits étaient déjà largement prescrits chez les femmes qui avaient une assurance privée, donc ça va aider à réduire ce déséquilibre. Et avoir plus d’options pour trouver le produit qui convient à chaque femme, c’est une excellente chose.
2. Certaines hormones plus anciennes étaient (et sont toujours) très bonnes, mais sont produites à partir d’urine de juments enceintes, une technique dépassée qui implique de l’exploitation et de la cruauté animale. Donc s’il s’en prescrit moins, tant mieux.
Par contre, j’espère qu’à partir de maintenant, on pourra parler de ces produits de manière plus nuancée. Notamment :
A) Dire que les hormones « bio-identiques » sont « sans risques » est irresponsable (certaines personnes disent même que prendre ces produits est moins risqué… que de ne rien prendre du tout !). AUCUN médicament n’est « sans risques », sans effets secondaires ou sans précautions. Si l’histoire de la pharmacie et de la médecine nous a appris quelque chose, c’est que banaliser les risques associés à des médicaments prescrits massivement est une très mauvaise idée. Je pense entre autres à la pilule contraceptive, dont on a longtemps négligé les risques de caillots sanguins (thrombose).
B) Il faudrait cesser de prêter des vertus quasi-miraculeuses à ces produits, par exemple dire que ces hormones seraient (contrairement aux autres) : « anti-inflammatoires, anticholestérol, antihypertensives, antioxydantes, antidépressives, anxiolytiques, procollagéniques… ». Tout d’abord, il n’y a pas d’appui scientifique pour des affirmations aussi catégoriques. Mais surtout, ça n’a pas vraiment de sens, car si ces hormones sont supposément « identiques » à celles que le corps humain produit déjà, comment pourraient-elles avoir tous ces nouveaux effets, que les femmes n’auraient pas déjà eu avec leurs propres hormones ?
C) Certaines cliniques privées offrent présentement aux femmes des dosages sanguins hormonaux à chaque mois, moyennant des frais, et ajustent régulièrement les doses de médicaments à partir des résultats. Mais à ce niveau-là, la science est claire : ce n’est pas pertinent de faire ce genre de tests et d’ajustements réguliers. Pourquoi ? Parce que le taux sanguin d’hormones n’indique pas si une femme a besoin de médicaments hormonaux, ou à quelle dose les prendre. Par exemple, une femme pourrait avoir des taux sanguins « plus bas », mais n’avoir aucun symptôme de ménopause, ou vice-versa. Bref, les connaissances scientifiques actuelles indiquent que ces tests ne devraient pas être utilisés de cette façon, et que ce sont les SYMPTÔMES de la ménopause qui devraient indiquer si un médicament est justifié, et si oui, lequel utiliser et à quelle dose. Il faut donc être vigilants quand un plan du genre est proposé.
D) Et finalement, j’espère qu’on pourra aussi se passer dorénavant du narratif comme quoi les hormones « bio-identiques » seraient ignorées ou même boycottées par la communauté médicale, supposément parce que cette dernière serait à la solde de Big Pharma. Or, les hormones dites « bio-identiques » sont fabriquées par… l’industrie pharmaceutique. Et vendues très (trop) cher. Donc selon cette logique, c’est l’industrie pharmaceutique elle-même qui saboterait les produits dont elle souhaite faire la promotion… ce qui n’a pas de sens.
Enfin, c’est important pour moi de rappeler que les professionnels de la santé, dont je fais partie, ont à cœur la santé des gens, et que s’ils et elles exigent des preuves scientifiques solides envers des médicaments, c’est avant tout pour protéger le public.
Bref, réjouissons-nous de cette bonne nouvelle, et j’espère que ces quelques précisions pourront vous aider à poursuivre vos réflexions !
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