Créer un ordre professionnel des naturopathes : une mauvaise bonne idée

(Note : Le texte suivant est un commentaire que j’ai écrit à la suite d’un article de Valérie Borde dans l’Actualité. Je le recopie ici vu que c’est un enjeu sur lequel je me questionne sur une base quotidienne et parce que j’espère recevoir des commentaires qui illumineront une partie de la solution. D’ailleurs, j’aimerais faire des suivis/ajouts au texte selon les idées qui seront soumises ou qui me viendront en cours de route; c’est donc un « work in progress ».)

 

 

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Ça me rassure beaucoup de te lire Valérie, car je réalise que finalement, mes propos ne sont pas si intenses que ça comparés aux tiens !!! 😀

Sérieusement, bravo pour cet article qui est voué à être impopulaire, comme on peut le constater à la lecture des nombreux commentaires ci-dessus, visiblement écrits par les naturopathes eux-mêmes.

D’ailleurs, c’est quand même triste de constater que ces derniers n’arrivent pas à défendre leur propre travail autrement qu’en utilisant des sophismes et autres arguments fallacieux :

– « Vous généralisez un cas unique à toute la profession ! » (homme de paille)
– « Il y a de mauvais médecins aussi ! » (ad hominem tu quoque)
– « Le tiers des gens se soignent avec la naturopathie ! » (argument de popularité)
– « La naturopathie est enseignée dans de grandes universités et endossée par l’OMS ! » (argument d’autorité)
– « Nos traitement sont naturels contrairement aux médicaments chimiques ! » (appel à la nature)
– « L’acétaminophène cause des décès, vous devriez critiquer l’industrie pharmaceutique ! » (faux dilemme)
– « La naturopathie a fait des miracles pour moi ! » (anecdote)
– « Vous faites preuve d’ignorance, faites vos recherches ! » (insulte)

 

Je partage complètement ton avis, à une exception près (peut-être) : le besoin d’encadrer la profession de naturopathe.

Créer un ordre professionnel est une lame à double tranchant. D’un côté, on met en place une structure pour « protéger le public » (guillements très importants ici) et pour sévir en cas d’infraction. Mais en faisant cela, on donne les outils à la nouvelle profession pour se protéger elle-même des menaces extérieures. D’ailleurs, accorder un ordre professionnel donne une impression de légitimité (incluant une légitimité scientifique), alors que ça n’a rien à voir. 

Bref, personnellement, je suis opposé à une telle mesure, du moins dans l’état actuel des choses.

 

Un exemple récent de ce que je viens de décrire : le cas d’une naturopathe en Colombie-Britannique (où la profession est réglementée/encadrée) qui a traité un enfant avec de la salive de chien enragé homéopathique sous prétexte qu’il semblait se prendre pour un chien.
http://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/health-canada-says-it-takes-safety-very-seriously-in-face-of-concerns-about-homeopathic-remedy-1.4623775

 

Les cas du genre abondent. Aux États-Unis, où la « profession » est en train de s’organiser, c’est encore pire, car ils se présentent comme de vrais médecins :

https://sciencebasedmedicine.org/legislative-alchemy-2017-naturopathy/

 

On voit la même tendance s’installer au Canada :

http://nationalpost.com/health/naturopaths-not-real-doctors-despite-video-claims-they-are-medically-trained-critics

https://www.cbc.ca/news/opinion/naturopath-credentials-1.4890971

 

Ces nouveaux ordres ne semblent pas non plus sévir ou même s’auto-réguler adéquatement :

https://www.theglobeandmail.com/life/health-and-fitness/health/canadian-naturopaths-need-to-follow-the-rules-if-they-want-regulation/article29785140/

 

Malheureusement, les ordres (scientifiques) actuels ne peuvent pas faire grand chose. On l’a vu avec le cas du lavement (cité dans l’article) : le Collège des Médecins n’a pas beaucoup de recours, à part offrir « une formation pour comprendre les actes médicaux réservés« .

Bref, créer un ordre pour encadrer une profession n’est aucunement un gage que les traitements appliqués seront valides ou même sécuritaires. La création de l’Ordre des Homéopathes en Ontario en 2015 en est la parfaite démonstration…

J’ignore quelle est la meilleure solution à ce stade; c’est un problème sur lequel l’ensemble de la communauté scientifique et médicale se penche un peu partout dans le monde en ce moment. C’est donc à suivre.

Merci encore Valérie !

Olivier

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  1. Je ne suis pas particulièrement en désaccord avec ce que vous dites, je trouve ça même assez intéressant, mais au départ vous dénonciez les arguments des naturopathes en leurs collants diverses entraves au dialogue, ce qui est une (bonne?) approche. Par contre en amenant vos arguments vous en utilisez aussi. En fait, vous en utilisez seulement un, l’anecdote. Je trouve que ça discrédite beaucoup (pour ne pas dire totalement) vos arguments. Ce qui me convaincrais davantage serait des articles de recherches (des deux côtés, médecine traditionnelle ET médecine alternative) ou des faits plus concrets. Pas des articles de nouvelles (qui sont souvent « de sensation »). Bon, je sais que vous ne posterez probablement pas mon commentaire puisque vous avez le véto la-dessus et que ça ne vous ferai pas de la « bonne pub » mais j’aimerais tout de même avoir votre réponse sur ce sujet.

  2. Salut, suite à un manque de diagnostic (et d’accompagnement) du côté de la médecine moderne, ma conjointe s’est tournée vers la médecine alternative pour adresser des symptômes de douleur chronique et ça en est devenu une job à temps plein, une religion… depuis, elle a engagé des traitements sur TOUT ce qu’elle a pu trouver sur Google et sur des sites “alternatifs” d’aide aux personnes souffrant de douleur chronique. C’est difficile d’aborder la question avec elle puisque ses spécialistes ont véritablement fait un travail de persuasion impeccable. Auriez-vous des conseils sur l’approche à mettre en place pour la convaincre de se faire traiter médicalement (psychologiquement si besoin)? Notre communication s’est détérioré au même rythme que son amour pour les produits naturels a grandit. Salutations

    • Allo François !

      Vraiment désolé d’entendre ça 🙁

      Malheureusement, ce qu’on sait sur ce type de croyances plus extrêmes (tu parles de « job à temps plein » et de « religion »), c’est que c’est presque impossible de convaincre les gens du contraire. Les croyances deviennent partie intégrante de l’individualité de la personne, et elle luttera de toutes ses forces pour combattre ce qu’elel croit être une atteinte à son identité (à ce sujet, lire à propos du « raisonnement motivé » et de la pensée conspirationniste »). Les thérapies pseudoscientifiques sont souvent qualifiées par les experts comme une sorte de « secte », donc l’emprise psychologique peut être très forte.

      En tant que proche, ce que tu peux sans doute faire (à défaut de pouvoir briser ce cycle de croyances), c’est veiller à ce qu’elle ne fasse pas de choses qui peuvent la mettre en danger. Danger soit par le traitement lui-même (ex. effets toxiques associés à des produits naturelss), soit s’il se substitue à un vrai traitement médical (ex. refuser un médicament dont on a vraiment besoin).

      Autre piste que tu peux explorer : tenter de mettre en évidence l’énorme industrie multi-milliardaire qui se cache derrière ces thérapies. Souvent, les gens ne réalisent pas qu’il y a immensément d’argent à faire à tenir des propos anti-science (ex. anti-vaccins, anti-pharma, etc.). Je ne peux absolument pas te garantir que ça va avoir un effet quelconque, mais ça peut ajouter un peu de perspective aux discussions.

      Et prends soin de toi à travers tout ça.

      Je suis désolé de ne pas pouvoir t’être plus utile 🙁
      Pour être honnête, ça serait moi-même un cauchemar qu’un proche se tourne vers l’anti-science et que je sois totalement impuissant devant la situation…

      Bon courage et à bientôt,

      Olivier

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